Méritocratie

Connaissez-vous votre valeur?

25 mars 2019
Rédaction: Gaëlle Bodin

Tranche de vie… J’ai été salariée pendant plus de 30 ans et je ne me suis jamais questionnée sur ma véritable valeur professionnelle et je n’ai jamais négocié mon salaire! Ni à l’embauche, ni après. Je n’en suis pas fière mais c’est un fait. 

En arrivant au Québec, j’ai d’abord travaillé alors que j’étais étudiante. Le salaire horaire était fixé d’avance et j’étais déjà bien contente de travailler. Avec un statut d’étudiant étranger, il n’existait pas beaucoup de possibilités malgré une maîtrise de droit en poche. Je n’avais pas le temps de « niaiser » et de demander plus.

J’ai décroché quelques mandats d’édition et de révision qui m’ont permis de faire valoir mes compétences et de bâtir une solide expérience en la matière. J’ai aussi fait à cette époque des rencontres incroyables, des auteurs, des avocats et des juges (oui que des hommes!) avec lesquels j’ai bâti une relation de confiance : sans le savoir, j’élargissais et je solidifiais mon réseau professionnel alors ténu. Je me bâtissais aussi une forte réputation grâce à mon travail acharné et mes qualités indéniables en révision et en recherche juridique.

Grâce en partie à tout cela, j’ai ensuite eu la merveilleuse chance de faire mon stage du Barreau du Québec à la Cour d’appel du Québec. Me voici dans le merveilleux monde de la fonction publique, les contrats sont signés à grande échelle et pas question de négocier la moindre virgule! Tous égaux (dans la pauvreté dans ce cas-ci)! Un salaire de misère mais un contexte d’apprentissage qui n’a pas de prix. Je m’y suis fait un cercle d’amies (oui que des filles!) avec lesquelles il me fait plaisir de passer encore du temps aujourd’hui presque 20 ans plus tard.

De belles années pendant lesquelles ma valeur professionnelle augmentait sans que j’en prenne conscience.

Maternité

Quelques années – et deux bébés – plus tard, me voici enfin dans le « vrai » monde du travail. Je me retrouve dans un cabinet privé du centre-ville : poste sur mesure, bureau vitré, vue sur la montagne et gros salaire. Je n’y croyais tellement pas lorsqu’ils ont retenu ma candidature que j’ai accepté le salaire proposé sans (me) poser de questions. On m’avait pourtant expliqué que bien que je sois « Barreau 2001 », je perdais un an « d’ancienneté » dans la grille des salaires à cause de mon congé de maternité! Aurais-je dû argumenter? Ne pas accepter l’offre? Aurais-je pu demander plus? Après tout j’étais embauché pour faire ce que je savais faire le mieux et j’avais d’excellentes références de sommités juridiques. Je ne l’ai pas fait…

Même scénario quelque temps plus tard quand un plus gros cabinet m’embauche. Après tout, le chiffre était élevé et j’étais qui pour demander plus malgré mon expérience, mon expertise, mes diplômes et mes références!

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Changement de carrière

Et puis, en 2007 : changement de carrière! Je retourne à mes anciens amours professionnels : le monde de l’édition juridique. Je coupe mon salaire de moitié, j’intègre un bureau sans fenêtre mais mon bien-être et ma santé mentale le valent bien. Ai-je négocié lors de l’embauche? Pas le moins du monde! Pourtant rappelez-vous, j’avais une expérience à faire valoir et des références solides.

Par la suite, ai-je négocié mon salaire tous les ans alors que je répondais haut la main à toutes les demandes et que j’atteignais voire surpassais tous les objectifs? Eh bien non! Car voyez-vous on prenait le soin de bien m’expliquer que peu importe mes résultats et mes accomplissements, la compagnie avait un budget serré… alors pourquoi même essayer.

Méritocratie

J’étais (en tout cas j’ai la prétention de le croire) une employée modèle : je travaillais fort, sans compter mes heures, je participais à tout, j’étais coopérative, créative et motivée à toujours trouver LA solution pour optimiser les processus et atteindre les objectifs de mon équipe. J’ai même reçu quelques prix d’excellence. Et pourtant, je n’ai jamais négocié mon salaire… convaincue que mon travail serait reconnu à sa juste valeur!

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Je me trompais… ma valeur et mon apport à la compagnie étaient reconnus mais pas par les bonnes personnes. Trop occupée à travailler et atteindre des objectifs relevant parfois du miracle, je n’ai pas su me positionner, me « faire voir » et me « faire valoir » auprès des personnes influentes. Celles qui prennent les décisions finales.

J’ai fini par oser demander que mes compétences et mon expertise soient reconnues. Je n’ai pas obtenu ce que je voulais, et cela m’a pris beaucoup de temps pour enfin réaliser que ce statu quo n’était pas acceptable! Je suis alors partie vers un autre monde… et aujourd’hui, je connais ma valeur, mes forces et mes défis et surtout j’apprends à négocier!

Vous reconnaissez vous dans ce comportement? Connaissez-vous votre valeur? Qu’est-ce qui vous distingue de vos collègues qui effectuent les mêmes tâches? Qu’est-ce qui fait de vous une alliée indéfectible dans votre emploi? Et cette valeur, la faites-vous reconnaître? Êtes-vous capable de la chiffrer? Il n’est pas trop tard pour trouver des réponses à toutes ces questions!