Parlons d'argent

Le silence autour de l’argent vous nuit

17 novembre 2016
Rédaction: Jannick Bouthillette

Êtes-vous de celles qui ne négocient jamais son salaire à l’embauche, ses conditions de travail ou son avancement salarial? Pire, êtes-vous de celles qui n’abordent jamais ce sujet avec ses proches?

Le salaire est une composante essentielle de votre relation professionnelle avec votre employeur. Travailleriez-vous sans aucune compensation monétaire? Votre réponse fuse : bien sûr que non!

Pourquoi être si mal à l’aise à parler d’argent? Pensez-y un instant… C’est la base même de votre relation professionnelle. Vous offrez votre compétence, votre expérience professionnelle, votre créativité. En retour, votre employeur vous offre un salaire et une série plus ou moins généreuse d’avantages sociaux.

Nous faisons collectivement fausse route en étant totalement incapable de discuter sans malaise de nos attentes et de nos questionnements face à l’argent.

Parlez-en à vos proches

Si vous n’êtes pas à l’aise à formuler vos demandes salariales, vous devriez envisager d’ouvrir le sujet avec des proches. Peut-être vous dites-vous : « ah, non, ça ne se fait pas. Je serais trop gênée. Ce sont des informations confidentielles. »

Je ne vous dis pas de demander à votre collègue ou à votre amie quel est son salaire. Quoique… parfois, cela pourrait donner le coup de fouet pour agir. Imaginez qu’un collègue accomplissant des tâches similaires aux vôtres gagne 10 000$ de plus. Pourquoi? Simplement parce qu’il a demandé.

Vous croyez ce scénario impossible? Au Canada, pour le même poste et des compétences égales, les femmes gagnent 0,80$ pour le dollar gagné par un homme. Alors, avant d’affirmer que vous n’êtes pas dans cette situation, permettez-vous d’en douter.

Maintenant, sans demander le salaire, pourquoi ne pourriez-vous pas demander à des collègues avec qui vous avez une bonne entente, s’ils ont déjà négocié? Quelle approche ont-ils adoptée? Quelles barrières ont-ils rencontrées? De quelle façon se sont-ils préparés?

Vouloir gagner davantage, est-ce mal?

Avant même de savoir comment négocier, encore faut-il se permettre de peut-être envisager négocier. Or, au Québec, on ne parle pas d’argent. Encore tabou! Encore plus si on est une femme . Négocier pour défendre les intérêts de l’autre, d’accord, mais pour défendre ses propres intérêts… NON!

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Avez-vous déjà regardé l’excellent documentaire Les grands moyens, présenté à Télé-Québec? Des hommes d’affaires – oui, j’écris hommes, car il semblerait qu’il y ait que trois femmes d’affaires au Québec – y exprime à quel point les Québécois vivent encore un inconfort à exprimer vouloir plus d’argent. Cette production télévisuelle n’a pas été diffusée en 1980, mais bien en 2014! Et à voir le peu de femmes qui y participent, je me suis fait la réflexion que le sujet était encore plus délicat – voire inexistant – pour celles-ci.

Or, comme le dit si bien le dragon Mitch Garber dans une entrevue récente à L’actualité, les Québécois doivent apprendre à parler d’argent, car le reste du monde le fait déjà. Eh bien moi j’ajouterais : « Les femmes doivent apprendre à parler d’argent, car personne ne le fera à leur place! »

Alors quel contexte plus sûr pour s’outiller que d’ouvrir candidement le sujet avec des amies, avec des membres de votre famille, avec des collègues de travail de confiance. En fait, vous rendrez probablement un grand service à ces personnes en initiant la conversation. Peut-être leur permettrez-vous ainsi d’amorcer eux-mêmes une réflexion qui ne peut être que bénéfique pour leur avancement salarial.

Défendre votre valeur professionnelle

Je ne peux compter le nombre de fois où j’ai reçu une réponse négative lorsque je demandais à une femme si elle avait négocié une augmentation salariale lors de son entrée en poste ou à la suite d’une promotion.

La principale raison : le malaise qu’une telle demande génère. C’est dire au visage de son employeur (ou futur employeur) que son offre n’est pas assez généreuse. C’est afficher clairement qu’on vaut plus que ce qui est actuellement sur la table. Il faut un gros ego pour prendre une telle position. Et croyez-moi, l’ego d’une majorité de femmes est tout sauf gonflé.

Une autre raison est possiblement qu’on n’a même jamais réfléchi à notre valeur professionnelle. Avant d’accepter une offre, avez-vous questionné votre réseau sur ce qui constituerait une offre acceptable? Avez-vous recherché les salaires sur le marché pour un tel poste? Il s’agit d’une autre forme de « silence » face à l’argent : ne pas se demander – et surtout demander – combien je peux espérer recevoir pour ce poste?

Une fois que vous aurez pris conscience de l’importance de réfléchir à votre avancement salarial, vous serez alors en mesure de vous outiller pour préparer vos demandes et vos négociations. Mais si vous prenez déjà le temps d’en parler avec d’autres, un grand pas sera alors franchi!