Artiste, mère, diplômée d’une maîtrise en administration des affaires (MBA) et entrepreneure sociale, Geneviève Bégin porte fièrement tous ces chapeaux, le jour comme le soir. Portrait d’une jeune leader qui ose emprunter des chemins inconnus.
Geneviève Bégin a suivi un parcours pour le moins atypique. Avant de cofonder l’entreprise PopupCamp en 2015, la jeune femme rêvait de devenir artiste. Après des études en communication visuelle en France, elle entame une carrière de photographe à Paris. La réalité précaire du travail autonome l’incite cependant à revenir à Montréal, où elle déniche un emploi dans un magasin de photographie. C’est à cette époque qu’elle donne naissance à son premier enfant, et une nouvelle ambition s’impose alors, celle de s’investir dans une carrière de mère de quatre enfants. Un projet qui ne verra toutefois pas le jour.
« J’ai quitté le père de ma fille quand elle avait un an, raconte la femme qui a aujourd’hui 32 ans. Ma carrière de mère a piqué du nez. Je ne pouvais plus me sauver de ma carrière en étant mère! » La leader naturelle se retrousse alors les manches et décide de reprendre les études. Et pas n’importe lesquelles : un MBA aux HEC Montréal. « Je voulais la meilleure formation, les meilleurs outils pour qu’on ne puisse pas me dire que je n’ai pas les compétences requises pour un poste », confie-t-elle.
Malgré la compétition féroce et ses doutes quant à son dossier, Geneviève fonce et est admise en 2013. À sa grande surprise, elle découvre que les cohortes de MBA sont formées par une diversité de profils, et non uniquement par des ingénieurs. Cette richesse du groupe permet aux étudiants de créer des liens durables entre eux pour s’entraider au cours de leur carrière. « Si je n’avais pas tenté ma chance, je ne l’aurais jamais su! », se réjouit celle qui se définit comme une « leader colorée ».
Une question de choix
Tout un défi que celui de se lancer dans un MBA à temps plein en étant mère monoparentale! Mais pour Geneviève, tout est question de choix. « Ce diplôme, c’est un investissement, lance-t-elle avec conviction. Pendant cette année-là, les revenus se font rares, alors toutes les dépenses doivent être réfléchies. L’argent doit créer de la valeur, contribuer à la qualité de vie. »
L’étudiante revoit donc en profondeur sa façon de fonctionner. Elle déménage tout d’abord avec sa fille (qui a alors deux ans) à proximité des HEC Montréal, ce qui lui évite près d’une heure et demie de transport par jour. Elle embauche un homme de ménage pour ne pas succomber à la tentation de ranger son appartement plutôt que d’étudier, et décide de se faire livrer des paniers de nourriture biologique à la maison. « Comme ça, je n’achetais pas de superflus à l’épicerie », se rappelle-t-elle amusée. Les vêtements, les vacances et les cadeaux sont aussi relégués au bas des priorités. « Étrangement, je me suis rendu compte que tous ces changements n’étaient pas si difficiles à accepter parce que j’avais quelque chose de plus, le MBA me procurait beaucoup de plaisir », avoue la femme arborant une mèche rose.
Pour faciliter la transition vers ce nouveau train de vie, Geneviève décide également d’amener sa fille déjeuner avec elle aux HEC Montréal. « Je voulais qu’elle voie l’école pour qu’elle sache où je vais tous les jours, pour qu’elle comprenne mieux la réalité quand je lui disais que j’allais travailler », raconte-t-elle.
L’entrepreneuriat, un nouveau défi
Forte de ses connaissances et compétences acquises au MBA, Geneviève décide de se lancer un nouveau défi. Plus douée pour le réseautage que pour les entrevues d’embauche, elle voit en l’entrepreneuriat l’occasion de bâtir son propre projet en rencontrant ses futurs clients et collaborateurs. Cette avenue est également intéressante pour renouer avec sa passion pour les enfants et pour poursuivre son nouvel objectif : avoir un impact social. Voilà pourquoi elle cofonde avec Melyan Vézina, en 2015, l’entreprise PopupCamp. Cette halte-garderie mobile événementielle vise à faciliter la conciliation travail-loisir-famille afin que les jeunes enfants puissent accompagner leurs parents à différents événements.
Petit à petit, l’entreprise grandit et les services évoluent. Ambitieuses, les deux fondatrices se fixent des objectifs à court terme et foncent. « Je limite ma vision à trois mois, car souvent, au fil de mon parcours, mes plans prévus plusieurs mois d’avance ne se sont pas concrétisés ou se sont complètement transformés », relate l’énergique jeune femme. Pour elle, il ne faut toutefois pas hésiter à saisir les occasions d’affaires qui se présentent, même si elles sont déstabilisantes. C’est d’ailleurs grâce à cette vision audacieuse qu’elle a intégré la délégation canadienne des jeunes entrepreneurs du G20 qui s’est envolée vers la Chine au début du mois.
Si la trentenaire se qualifie comme « un peu folle et extravertie », elle apprécie le côté terre à terre et introverti de son associée. L’équipe complémentaire voit grand et espère déployer son offre sous forme de franchises un peu partout au Québec au cours des prochaines années.
Mère et entrepreneure
Être entrepreneur demande beaucoup de temps et d’efforts, surtout dans les premières années de démarrage. Or, le statut de mère n’est pas envoyé aux oubliettes pour autant. Afin de passer du temps de qualité avec sa fille (qui a maintenant cinq ans), Geneviève organise son horaire de façon efficace et tente de séparer travail et vie de famille. « Le soir, je laisse mon téléphone de côté, donne-t-elle en exemple. Par contre, après avoir couché ma fille à 20h, je le reprends et je travaille jusqu’à 22 h! »
Bien qu’elle soit parfois stressée d’avoir un enfant à sa charge dans ce contexte, l’entrepreneure sociale croit que le jeune âge de sa fille lui facilite la vie. « Un enfant de huit ans, par exemple, a des devoirs, il se pose plus de questions, il peut ressentir des émotions qui ne lui appartiennent pas, illustre-t-elle. Un plus jeune enfant est beaucoup plus flexible, on peut l’amener avec soi facilement. » La jeune femme a d’ailleurs l’habitude que sa fille l’accompagne dans différents événements et même lors de rencontres d’affaires.
Avec son horaire chargé, Geneviève a également dû apprendre à demander plus régulièrement de l’aide dans son entourage, et ce, dès la maîtrise. Son père l’a notamment souvent soutenu en période d’examen alors qu’il venait d’Outaouais pour garder sa fille. Les membres de la famille et les amis deviennent alors d’importants piliers. Et, selon elle, il ne s’agit pas pour autant de relations à sens unique. « On a l’impression qu’on est toujours en train de demander, mais il faut réaliser qu’on apporte aussi quelque chose à son entourage, mentionne-t-elle. On leur raconte une histoire avec nos projets, on les sort de leur univers, parfois c’est comme s’ils lisaient un roman! »
Un parcours impressionnant
Plusieurs croient au potentiel de PopupCamp et sont impressionnés devant le parcours de Geneviève. Bon nombre de bourses et de mentions lui ont d’ailleurs été décernées au cours des dernières années. Pourtant, aux yeux de l’entrepreneure sociale, son parcours ne semble pas si inspirant. « La réussite sociale, c’est linéaire, mentionne Geneviève. On est formaté pour passer de la 1re à la 2e année, du poste d’adjoint au poste de gestionnaire de projet. Mais l’entrepreneuriat, c’est différent. On apprend sans cesse et on teste au fur et à mesure sur le terrain. »
Malgré tout, la jeune femme déterminée reste positive et met tout en œuvre avec son associée pour faire croître son entreprise. « Il faut savoir reconnaître les éléments de réussite et les souligner, confie-t-elle. C’est sûr que, pour l’instant, les revenus ne sont pas impressionnants en matière de réussite sociale, mais ça, on n’est pas obligé de le dire! », chuchote la leader avant d’éclater d’un rire communicatif.