Modèles de réussite

Une élue non conformiste

11 août 2016
Rédaction: Élise Cossette

Elsie Lefebvre

Défi politique, souci féministe : concilier famille et travail, c’est nécessairement agir pour changer le fonctionnement des institutions et des entreprises.

Alors que certains appuient sur le frein, d’autres lui préfèrent la pédale voisine. C’est le cas d’Elsie Lefebvre, conseillère municipale de Villeray, pour qui ce dilemme qu’est la conciliation travail-famille est un combat parfois laborieux pour lequel elle ne lève pas le pied. Mais à quoi carbure-t-elle?

Tout le parcours d’Elsie est alimenté par une énergie débordante et radiante : « La politique me passionne parce qu’elle permet de changer le monde », témoigne-t-elle. Il faut le dire, les qualités gravitant autour de la personnalité de la jeune élue sont généreuses tout comme elle : audace, confiance, persévérance, optimisme, pour ne nommer que celles-là. À 25 ans, Elsie fut la plus jeune femme à siéger à l’Assemblée nationale.

Comités étudiants, voyages à l’étranger, stages… c’est d’abord grâce à sa participation dans plusieurs activités et initiatives liées à ses intérêts qu’Elsie est devenue une femme politique. Avait-elle un plan de carrière? Eh bien, non! La clé, selon elle, est de s’engager à plein régime dans ses passions afin d’arriver à se démarquer. À la base, Elsie ne songeait pas à se faire élire comme députée en 2004. Elle a simplement « poussé son implication une coche plus loin » en posant sa candidature, lorsque l’occasion s’est présentée.

Ainsi élue dans Laurier-Dorion, elle put alors implanter sa pensée politique et consolider son réseau professionnel. La soupape était ouverte! Jeune, l’énergie coulant à flot, son projet politique prit forme. Elle gagna confiance en ses idées lorsqu’elle réalisa que son point de vue valait bien celui des hommes séniors. Ce fut aussi un moment déterminant où Elsie a établi les valeurs qu’elle voulait véhiculer, dont l’une des plus importantes à ses yeux dans notre société : la famille.

Un combat pour les femmes et leur famille

En 2009, alors qu’elle était enceinte durant la campagne électorale municipale, la maternité ne jouissait d’aucune reconnaissance au sein des institutions politiques. Les lois ne prévoyaient aucun congé parental pour les élues venant d’accoucher. « Quand je suis arrivée à l’hôtel de ville avec mon bébé, indique Elsie Lefebvre, il n’y avait pas de table à langer . Ils ont dû aménager un petit salon d’allaitement. » Un éveil de conscience envers le manque d’installations! La mère d’alors ne fut pourtant pas de celles à donner du temps au temps.

Un an plus tard, la conseillère de Villeray commença à revendiquer le droit des femmes élues d’avoir un congé parental. Elle-même s’était beaucoup questionnée durant sa maternité : deux semaines, un mois ou deux mois de congé? « Je ne crois pas qu’il y ait de bonne réponse », soutient-elle. « Je voulais que les autres femmes se retrouvant dans ma situation n’aient pas à se questionner ainsi. » Ce combat, amorcé il y a six ans, a d’ailleurs porté fruit.

Un projet de loi voulant que les élus municipaux bénéficient d’un congé parental de 18 semaines a été déposé en février 2016. Un grand pas! Pourtant, pour Elsie, ce n’est que le début : « Je suis vraiment dans la transformation des institutions. Alors que tous se félicitent, moi, je veux continuer. » Cette volonté de toujours continuer, foncer, revendiquer révèle bien la nature d’Elsie. Elle est un réservoir de force et de détermination.

Cette mère de deux jeunes enfants insiste sur l’importance de revoir le rôle des élus afin de permettre une meilleure conciliation travail-famille. « Ce n’est pas vrai qu’un élu efficace ne fait qu’assister à des soupers spaghetti, couper des rubans et prendre des selfies. Si on veut des politiciens qui incarnent la vraie vie, il faut changer ça.  » Elsie s’estime en effet plus près des citoyens lorsqu’elle se promène au marché Jean-Talon et dans les parcs, où elle y est tout à fait accessible.

Un message à transmettre

Trop peu de femmes de la génération Y atteignent des postes de direction ou d’élu. Oui, les exigences sont souvent inconciliables avec la famille. Selon Elsie, les filles doivent foncer en début de carrière et atteindre un poste important avant le congé de maternité. Lorsque les femmes seront plus nombreuses à prendre des décisions, il deviendra alors possible de réformer le marché du travail de manière à l’harmoniser avec la vie familiale. C’est la puissance du nombre qui fera une différence.

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Par ailleurs, Elsie souligne que « les dirigeants d’entreprise, de manière urgente, doivent comprendre ce défi des jeunes femmes et leur faire de la place ». Elle affirme que celles-ci devraient pouvoir davantage siéger aux conseils d’administration, en bénéficiant de quotas instaurés par les entreprises. La Norvège est un exemple, ayant obligé un ratio de 40% de femmes dans les conseils. En comparaison, selon une enquête Catalyst 2013, le pourcentage de femmes administratrices au Québec n’est que de 19,8%.

Il faut également cesser de douter et faire le plein de confiance. « C’est difficile parfois, avoue-t-elle, mais il faut arrêter d’y penser et simplement prendre le téléphone. Le pire qui peut arriver, c’est un non. Ce n’est pas un échec, c’est juste non. » Si Elsie a été députée dès ses 25 ans, c’est parce qu’elle n’a pas laissé les autres la dissuader. Devant ceux qui tentent d’enclencher le frein des fonceurs en invoquant leur trop jeune âge ou leur trop grande ambition, il convient de réagir avec aplomb.

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Enfin, il est important de prendre conscience qu’en osant occuper un poste décisionnel, on gagne la liberté de le transformer à son image.

C’est le message qu’Elsie tente de transmettre aux jeunes. Elle s’inquiète du faible pourcentage de femmes à la présidence de comités dans le milieu étudiant. Plusieurs d’entre elles acceptent d’être vice-présidentes, mais reculent devant une plus haute position. Malgré tout, la conseillère municipale demeure optimiste. Vouloir et y croire, comme elle en est l’exemple, est ce qui crée le meilleur carburant pour faire marche avant.