Connaître votre valeur professionnelle pour mieux la défendre.
ProfessionELLE y réfléchit avec vous!
Portrait

Démocratiser les conseils d’administration

1 décembre 2016
Rédaction: Jannick Bouthillette

Cathy Wong

Cathy Wong n’était encore qu’une adolescente lorsqu’elle a pris la décision de s’impliquer dans la société. Aujourd’hui, elle occupe le poste de présidente au Conseil des Montréalaises, siège à une dizaine de conseils d’administration en plus de travailler comme agente de développement au YMCA.

C’est au retour d’un voyage en Chine où elle renoue avec ses origines – mais surtout où elle est pour la première fois en contact avec les inégalités, le travail des enfants, la pauvreté, la précarité des modes de vie – qu’elle vit un éveil par rapport aux enjeux sociaux. Elle revient à Montréal avec un sentiment d’urgence. « Je me suis demandée ce qui me donnait la chance, à moi, ici, de pouvoir choisir mon emploi, de pouvoir voter, de pouvoir vivre en sécurité. Est-ce simplement le fait d’avoir grandi à Montréal? »

Elle s’est alors impliquée au Jeune conseil de Montréal dont l’objectif est d’organiser des simulations parlementaires pour les jeunes à l’Hôtel de ville de Montréal. Une soixantaine de jeunes de 18 à 30 ans prennent le rôle de maire et de conseillers d’arrondissement. Ils occupent alors l’hôtel de ville durant trois jours et simulent un conseil municipal. Cathy y a participé huit ans : de simple participante au poste de mairesse, en passant par présidente du conseil exécutif, chef de l’opposition et présidente du conseil municipal. Cela lui a permis de mieux comprendre tout le fonctionnement de la politique municipale.

Siéger à des conseils d’administration

Sa première expérience à un conseil d’administration, elle l’a vécue alors qu’elle avait 23 ans. De son propre aveu, elle avait trouvé l’expérience difficile. « En réunion, j’étais déjà tellement concentrée à essayer de comprendre que je n’arrivais pas intervenir. Il y a un travail à faire de la part des lieux de gouvernance pour intégrer de nouvelles personnes, mais moi aussi j’aurais dû être plus proactive pour qu’on m’explique le fonctionnement pour pouvoir mieux participer. »

Depuis, Cathy a développé des stratégies pour augmenter sa confiance lorsqu’elle siège sur des CA , notamment celle d’être plus active à développer des alliées et de ne pas s’attendre à ce que d’autres viennent vers elle. « Maintenant, j’identifie autour de la table qui sont mes potentielles alliées. Aussi, j’aurais dû être mieux préparée aux rencontres. Oui, je faisais un certain travail avant les rencontres, mais je m’attendais à comprendre certains aspects lors de la réunion, et ce n’était pas le cas. »

Profiter d’une mentore à la gouvernance

À plus d’une reprise, la jeune femme a hésité à accepter de nouvelles propositions de se joindre à un CA, car elle se sentait peu outillée. Grâce à l’organisme Cravates roses, elle a pu profiter des conseils d’une mentore durant un an et demi. Ainsi, celle-ci lui a, entre autres, permis de mieux déchiffrer les états financiers. « Je pouvais être très transparente avec elle : lui exprimer mes peurs, mes inquiétudes. C’est important d’avoir un tel safe space. De manière confidentielle, je lui soumettais mes questionnements et elle m’aidait à préparer mes interventions. Elle me guidait stratégiquement. »

Encore aujourd’hui, chaque fois qu’elle siège à des conseils d’administration, les personnes qui l’entourent à la table sont des mentors (parfois négativement, lorsque certains adoptent des approches qui ne lui conviennent pas). Et elle sait qu’elle peut compter sur une ou deux personnes pour la guider : « Dernièrement, alors que j’entrais à un nouveau conseil d’administration, une dame qui y siège depuis 12 ans s’est tout de suite assise à côté de moi et elle m’a dit de ne pas hésiter à lui poser des questions pendant la réunion. Elle m’a même proposé qu’on aille prendre un café ensemble, si j’avais d’autres interrogations. »

Combattre le syndrome de l’imposteur

Le fameux syndrome de l’imposteur, Cathy le ressent encore, surtout si elle est la seule jeune, la seule femme ou la seule personne provenant d’une minorité visible. Elle accepte généralement de foncer après avoir parlé au président ou vice-président du conseil d’administration où un poste lui est proposé, qui lui explique ce qu’ils recherchent et pourquoi ils veulent lui proposer le poste. Elle arrive alors à comprendre leurs besoins. Selon elle, les conseils d’administration recherchent souvent de nouveaux candidats ayant un parcours particulier pour compléter l’équipe et en se disant que telle personne répondrait à ce besoin.

Avec le temps, Cathy a cessé de voir la gouvernance comme un lieu où il est nécessaire d’avoir toutes les compétences. Cette idée erronée selon laquelle, pour siéger sur un conseil d’administration, on doit avoir des études en droit ou en comptabilité doit être démantelée. Sinon, on continue de voir les lieux décisionnels comme des lieux d’élite, pour des personnes qui ont une éducation, les réseaux et de l’argent. Les lieux décisionnels doivent être démocratisés.